Retour sur « Le weird », 3ème session des ateliers d’exploration spéculative « Le dur, le souple et le weird »

30 juin 2025

ENSCI – Salle Richard Lenoir
48 rue Saint-Sabin
75011 Paris

La troisième session des ateliers d’exploration spéculative a eu lieu le 30 juin 2025 sur le thème « Le weird », autour de débats ouverts organisés par la Maison des Humanités Potentielles en partenariat avec l’ENSCI.
Intervenants et horaires détaillés
14h00 – 16h00
Débat (battle) Christian Duriez, directeur de recherche Inria et partisan de la robotique soft VS Philippe Garrec, expert en robotique dure au CEA : « Le dur lave-t-il plus blanc que le mou ? »
16h00 – 16h30 Pause
16h30 – 18h00
Débat collectif autour de la question « Le weird est-il toujours strange ? »
Vous trouverez ci-après, comme point de départ des discussions, deux textes :
- Le premier de Georges Didi-Huberman, La matière inquiète (plasticité, viscosité, étrangeté)
- Le second par Tim Ingold et Christian Simonetti, Introducing Solid Fluids
Pour terminer, un dîner est organisé avec l’ensemble des participantes et participants afin d’échanger sur les projets à venir.
Résumé
Ces ateliers de libre réflexion visent à explorer des pistes liées de près ou de loin au futur de nos technologies et à leurs implications sociales, philosophiques, culturelles. Ces ateliers sont ouverts à tous et toutes en plus des chercheurs et chercheuses du PEPR O2R ainsi qu’aux étudiantes et étudiants des écoles d’art et de design associées et associés.
Remarque : il n’est pas nécessaire d’avoir participé aux premières sessions pour assister à celle-ci.
Le dur est-il toujours rigide ? La souplesse forcément molle ? La fluidité forcément liquide ? Faut-il persister à tout solidifier, ou au contraire, s’employer à tout liquéfier ? Qu’est-ce qui nécessite d’être assoupli de toute urgence ? À quel moment bascule-t-on dans le weird ? Comment faire le tri entre la persistance du dur, les promesses du souple ou de la viscosité et les risques du weird ? Cet atelier propose d’explorer et de développer les imaginaires plastiques du dur, du souple et du weird, dans l’ingénierie, le design, la science- fiction et bien au-delà , sous toutes leurs formes et dans tous leurs états, sans limite créative ni disciplinaire.
Retour
Le débat « Le dur lave-t-il plus blanc que le mou ? »
Philippe Garrec (CEA – LIST) a partagé son expérience, notamment la nécessité de précision millimétrique des robots industriels héritiers de la machine-outil tandis que Christian Duriez (Inria – DEFROST) privilégie l’adaptabilité temps réel des structures déformables qui négocient avec leur environnement plutôt que de le dominer. Le débat révèle des approches complémentaires plutôt qu’opposées. Les nuances émergent rapidement : distinction conceptuelle entre rigidité et raideur,
reconnaissance mutuelle des avantages de chaque approche selon le contexte.
Hybridations et convergences
Les recherches actuelles explorent les territoires de l’entre-deux : structures à rigidité variable, matériaux à mémoire de forme, exosquelettes-vêtements qui collaborent avec le corps humain. La main humaine devient le modèle ultime : capacité à moduler sa rigidité, passer du toucher délicat à la prise ferme. Cette intelligence mécanique naturelle dépasse toute approche purement rigide ou souple.
Matières étranges et nouveaux rapports au monde
Certains matériaux échappent à nos catégories habituelles : ni vraiment solides ni liquides, ils troublent notre perception. La cire qui se déforme, les matériaux intelligents qui changent de propriétés, les fluides magnétiques… Ces matières « bizarres » remettent en question notre façon de classer le monde.
Paradoxalement, alors que nos technologies semblent de plus en plus immatérielles (écrans tactiles, cloud, IA), nous ressentons le besoin de mieux comprendre la matière. Cette dématérialisation apparente cache en réalité des transformations matérielles complexes et une empreinte physique considérable.
Quels robots pour quelle société ?
Au-delà de la technique, ces recherches posent des questions fondamentales : quel type de relation voulons-nous avec nos machines ? Préférons-nous des robots qui s’adaptent à nous ou des outils précis que nous maîtrisons ? Performance maximale ou robustesse face à l’imprévu ? Standardisation industrielle ou personnalisation du geste ?
L’importance accordée au toucher et à l’expérience directe avec les matériaux révèle un besoin de retrouver une relation sensible au monde physique, particulièrement important face aux défis écologiques actuels.
Les perspectives
Ces recherches dessinent trois horizons à explorer. Les matériaux intelligents pourront changer de rigidité selon les besoins. La fabrication additive permet de créer des formes organiques impossibles à usiner traditionnellement. Enfin, l’optimisation ne vise plus seulement la performance mais intègre robustesse, adaptabilité et sobriété énergétique.
L’enjeu dépasse la technique : il s’agit de redéfinir notre rapport aux machines et au monde matériel.
Ces choix techniques sont aussi des choix de société.
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